On tombe de haut lorsqu'on s'attendait à retrouver avec le même plaisir – peut-être encore accru, grâce au talent de
Brian De Palma –
l'esprit de la formidable
série qui a enchanté les petits écrans de 1966 à 1973, sous la houlette de
Bruce Geller. On a, avec
Mission impossible un objet bien boursouflé, qui n'a rien à voir avec la série qu'on a aimée et qui est d'une complexité scénaristique telle qu'on a été contraint de relire deux fois le résumé fort complet qu'en donne
Wikipédia pour y retrouver ses petits. Je veux bien admettre que lorsque j'admirais les exploits de
Peter Graves,
de
Martin Landau et consorts et les formes de
Barbara Bain,
j'avais 50 ans de moins et un esprit assurément plus vif qu'aujourd'hui où il commence à sérieusement s'embrumer… Mais tout de même !!
Et puis qu'est-ce que c'est que cette idée idiote de faire disparaître d'emblée tous les membres, ou presque de l'équipe ? On avait plaisir à retrouver jadis, chacun dans leur spécialité – on pourrait dire en
archétypes – les physionomies solides réunies autour d'un casse-tête toujours résolu. Là,
Brian De Palma se débarrasse sans scrupule et sans finesse dès le début du film de la quasi-totalité de la bande. Et, en plus, ce que je ne vais pas lui pardonner, il sacrifie deux actrices délicieuses pour qui j'ai un faible très assumé :
Kristin Scott Thomas,
qu'on ne présente pas et
Ingeborga Dapkunaïte,
qui fut la délicieuse Maroussia de
Soleil trompeur,
femme de Kotov (
Nikita Mikhalkov).
Abstraction faite de ces deux remarques – la complexité invraisemblable et inutile de l'intrigue et la décimation aberrante de l'équipe – qu'est-ce que le film peut avoir de positif ? En premier lieu, je placerais le personnage trouble, ambigu, vénéneux de
Max, trafiquant d'armes sans scrupules, mante religieuse avide, admirablement bien interprété par
Vanessa Redgrave qui porte dans son regard d'une infinie cruauté toute la malfaisance du monde et qui est porteur d'un érotisme glaçant, carnivore.
Puis les nombreux morceaux de bravoure extrêmement bien filmés. Et notamment la descente tête en avant d'Ethan Hunt (
Tom Cruise)
dans le
Saint des Saints du siège de la CIA, à Lengley. (Il paraît que
De Palma a été inspiré pour ce faire par la scène à peu près identique des cambrioleurs de
Topkapi,
le film de
Jules Dassin).
La tension est forte et bien maîtrisée. On pourra juger aussi que, malgré sa totale invraisemblance (signalée avec beaucoup de pertinence et de détails dans l'article de
Wikipédia), la course folle dans le train à grande vitesse lancé dans le tunnel sous la Manche et poursuivi par l'hélicoptère piloté par Franz Krieger (
Jean Reno).
J'ajoute que la distribution, sous bénéfice de la remarque faite plus avant sur la disparition trop rapide de deux actrices, est plutôt réussie. Je trouve même que le choix de
Jon Voight,
pour incarner un Jim Phelps lassé du grand nombre de ses combats passés et désormais prêt à tout pour recueillir une grosse galette, y compris à trahir ses amis de toujours, est tout à fait excellent. Il apporte son visage un peu flou, incertain comme il le faisait dans ses grands rôles de
Macadam cowboy et de
Délivrance.
Ah ! Comme toujours, petit regard de commisération étonné sur l'informatique de l'époque ; le film ne date que d'une vingtaine d'années mais dans ce domaine matériel, on le croirait issu d'un incertain Moyen-Âge technologique…