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Une histoire de cœur


De Impétueux, le 27 mai 2015 à 19:47
Note du film : 6/6

Difficile de revenir sur le duel de titans que se sont livrés nos amis Azurlys et Tamatoa et de gloser sur leurs subtils commentaires et interprétations, qui s'appuient sur une connaissance solide du film mais aussi sur des points de vue quelquefois divergents mais toujours intéressants. Cela dit, au fil de leurs échanges, ils ont à peu près défloré ce mystère des Diaboliques qui, je le confirme, était un des plus beaux coups de marketing jamais imaginé. Je dois dire que je partage plutôt la conception de notre regretté Tamatoa et la vision nouvelle que j'ai faite hier me semble lui donner raison.

Il y a pourtant toujours des choses à écrire sur Les Diaboliques, qui est vraiment une parfaite réussite, au delà de ses invraisemblances, qu'on ne remarque guère, toutefois, que lorsque l'on a vu plusieurs fois le film et que l'on peut fixer plus calmement son attention sur les développements et les ressorts de l'intrigue. Et parfaite réussite dès le générique, qui est pourtant un seul plan fixe : l'image de la piscine visqueuse, huileuse, sale, gluante, envahie par les algues, sur quoi tombe une méchante petite pluie de printemps ; tout cela sur une musique déchirée de Georges van Parys qu'on n'entendra plus qu'à la fin.

Une partie de la qualité du film est l'intégration très réussie par Clouzot de plusieurs thèmes qui s'enchâssent, se répondent et dialoguent intelligemment jusqu'à ce que la nécessité de la révélation terminale avec sa machinerie horrifique prenne un peu trop le devant de la scène (mais les ultimes images et leurs formidables ambiguïtés rehaussent cette toute petite baisse de niveau).

D'abord le monde si particulier des internats privés où des milieux plutôt aisés plaçaient à grand frais des rejetons généralement peu doués pour les études ou particulièrement indisciplinés. Avant la loi Debré de 1959, qui leur octroya sous contrat des aides publiques, ces établissements avaient toute latitude dans le choix des programmes et la sélection des enseignants. D'où le ramassis singulier de professeurs insolites, dépourvus de diplômes ou affligés de tares douteuses qu'on y trouvait (revoir Les disparus de Saint Agil ou Topaze) Dans Les Diaboliques, certaines des meilleures séquences sont celles des relations obséquieuses entretenues par le personnel du collège (Pierre Larquey, extraordinaire, Michel Serrault et l'homme de peine Jean Brochard) avec son tyrannique directeur Michel Delasalle (Paul Meurisse, un soupçon trop âgé pour le rôle : censé avoir 34 ans, il en avait déjà 42).

Autre thème, flamboyant et sulfureux, qui s'éclaire davantage encore lorsque l'on a quelques lumières sur les orientations érotiques de Clouzot (voir, si l'on est curieux, La Prisonnière) et son sadisme notoire vis-à-vis de ses acteurs (sa femme Véra, mais aussi Cécile Aubry dans Manon ou Brigitte Bardot dans La vérité). À l'époque (serait-ce d'ailleurs vraiment différent aujourd'hui ?), le triangle sexuel (je n'écris évidemment pas triangle amoureux) formé par Delassalle/Meurisse, sa femme Christina/Véra Clouzot et leur maîtresse Nicole Horner/Simone Signoret avait fait scandale. Et si j'ai écrit leur maîtresse, c'est que, sauf à ne pas voir l'évidence, la relation homosexuelle des deux femmes ne fait pas de doute. Pas davantage que le masochisme de Christina et l'impact charnel qu'exerce Delassalle sur les femmes (brève séquence dans le train qui le conduit à Niort, où il capte le regard d'une oie blanche).

Troisième orientation : l'intrigue meurtrière proprement dite, qui s'engage avec le voyage à Niort, dont était originaire Clouzot, Niort filmée sans complaisance et même avec un certain mépris. Province, désert sans solitude, selon le mot de François Mauriac, rues pavées étroites et rancies, couple effarant de mesquinerie (et délicieux de talent, Noël Roquevert et Thérèse Dorny), appartement mesquin. Delassalle boit son whisky drogué (ou non ?) comme si c'était du vin, et l'on perçoit bien là combien ce breuvage, en 54, était presque exotique (d'ailleurs Nicole le dit : Je n'en ai jamais bu). Violence de l'assassinat. Retour à Saint-Cloud.

Puis irruption d'un commissaire à la retraite fouineur et matois, Alfred Fichet/Charles Vanel. Je suis moins satisfait du film, à partir de ce moment-là, le trouvant plus banal et plus convenu, malgré la scène surréaliste de la chambre du meublé où le valet de chambre (Jean Temerson) brouille les pistes (Personne n'a jamais vu M. Delassalle). Et les dernières séquences, ombres angoissantes, rais de lumière sous les portes, grincements, bruits étranges, hurlements. Du Mario Bava qui ne s'insère pas parfaitement dans le puzzle… Jusqu'à cette fin incertaine et presque ouverte.

Et finalement ces Diaboliques demeurent haletantes jusqu'au bout, surprenantes, angoissantes, terrifiantes. On a beau les voir et revoir, on s'y laisse toujours prendre.


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De Azurlys, le 4 avril 2013 à 15:47

Il est vrai ! Aussi avais-je hésité entre Nation et Pays, lors d'une citation incomplète, d'abord parce que j'écris de mémoire, et parce que la mention de Patrie citée par Arca, avait eu le front – et à l'arrière dudit – de déserter mes neurones. Derechef, j'ai cru devoir improviser. Fâcheuse erreur qui m'attira une remontrance quant à la Nation. Le mot lui-même affiche un arrière goût administratif que je trouve encombrant. En revanche, Pays me convenait certes mieux. Va pour Patrie !

Ces trois lignes ont soulevé un intérêt que je ne prévoyais pas. N'exagérons rien, ce n'est pas un référendum – méthode démodée – mais que les uns et les autres en soient remerciés ! Mais comme il semble que la patrie de la Raison glisse sans raison vers le déraisonnable, il m'apparaissait que les Diaboliques me tendaient une perche – peut-être incongrue – vers une digression voisine, mais hors sujet stricto-sensu. Au reste, j'avais ajouté que je parlais aussi du film. Fin connaisseur de l'informatique, il eût été souhaitable que je soulignasse le mot, mais comme nul n'ignore que je ne peux y parvenir,(une affaire d'italiques, de gras et autres fantaisies pimentées, que je peux atteindre sans effacer d'emblée ce qui précède), la prudence m'a suggéré de m'abstenir. Comme disait Jean du Barry "c'est à se faire trappiste".

Nous en étions restés, Tamatoa et moi – et sans doute Impétueux – au soporifique dans le Cognac – Ah ! Signoret le regard rivé sur le compte-gouttes ! Enfin, en admettant qu'il y en eût (du soporifique, bien entendu). J'y reviendrai, comme un assassin, dit-on, revient sur le lieu de son crime.

Plus haut, Tamatoa nous gratifie d'une précieuse information. "Les Diaboliques" lui paraissent (je cite)"d'une clarté biblique" (sic). Devant une telle démonstration de noirceur, de vilenie, de bassesse humaine, de monstruosité, c'est une remarque qui, au delà de l'admiration qu'elle suscite, entraine un pieux respect.

    

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Affiche originelle


De Xaintrailles, le 7 février 2008 à 12:25
Note du film : 6/6

Au moins, voilà des renseignements précis ! Merci mille fois !


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De Freddie D., le 6 février 2008 à 18:13

Tout à fait. On l'aperçoit de temps en temps, ainsi que Reggiani d'ailleurs.


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Très beau film


De Impétueux, le 29 octobre 2006 à 00:38
Note du film : 6/6

Ami Gaulhenrix, votre combat est sympathique et vos arguments de bonne venue ! Mais – on va arrêter là, ensuite, si vous le voulez bien, parce que c'est tout de même sur le fil des Diaboliques que nous déblatérons ! – à part le tonneau, qu'a apporté la Gaule à la Civilisation, qui n'était pas déjà dans les miracles grec et romain ?

Mais j'aurais grand plaisir, si cela vous amuse, à bavarder de tout cela avec vous dans un autre espace de discussion : mon identité n'est pas très difficile à trouver sur DVD Toile…ou vous pouvez la demander à Spontex !


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De gaulhenrix, le 28 octobre 2006 à 19:12

"Seulement, hors de toute vison ethniciste de l'Histoire, spirituellement, ces Gaulois-là (dont je dois être) ont eu le bon goût de devenir Romains, c'est-à-dire d'abandonner leurs mômeries druidiques, leurs sacrifices humains et leur ignorance crasse pour se rallier à la Civilisation et apporter du sang neuf à l'Empire (oui ! je sais, c'est la République, à ce moment-là : mais j'entends Empire dans le sens large)."

Mais les études sur la civilisation gauloise depuis une vingtaine d'années font justice de ces lieux communs sur les Gaulois !!! Il ne faut pas oublier que ce sont les vainqueurs qui ont parlé des vaincus, sans que ces derniers se fissent entendre. Donc… D'autre part, ce que l'on peut reprocher à la colonisation romaine, c'est d'avoir – comme toutes les colonisations – brutalement interrompu la libre évolution d'une civilisation qui avait ( documentez-vous "Impétueux") de très nombreux atouts.

"RdT", ma remarque s'entendait à partir d'une phrase de "Impétueux" à laquelle elle répondait (Cf. le contexte ci-dessus qui évoquait l'époque de la colonisation romaine). Il est évident que la Provence, par sa proximité géographique, a plus été influencée que le reste de la Gaule. Mais la culture gauloise ne s'est pas effacée et a bien longtemps perduré dans le peuple. Quant aux élites…, il suffit d'entendre le jargon du franglais dont nous abreuve, jour après jour, les béni-oui-oui, les dociles aux sirènes dominantes et autres branleurs du chef prétendument modernes qui n'ont de cesse de s'emparer des mots anglo-saxons pour nous les resservir tels quels, sans même utiliser les équivalents de notre langue. Pouah !!!

Cordialement.


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