Mais revenons au film. Hélène Lee tente de dresser un historique de la naissance de la croyance rastafarienne qui, à la fois, semble ne pas mal se porter, tout au moins dans ses aspects les plus festifs (musiquettes reggae et consommation intensive de marijuana) et avoir été complétement éradiquée dans la tentative de créer une sorte de phalanstère agricole autosuffisant.
Le Premier Rasta, c'est donc un certain Léonard Percival Howell, né en 1898, qui a vécu une existence assez tonitruante, quittant son île natale pour être embauché au creusement du canal de Panama, employé par les États-Unis comme matelot pendant la Grande guerre, avoir fréquenté les mouvements d'affirmation noirs à New-York et créé une sorte de phalanstère agricole appelé Le Pinnacle (avec deux N) communauté qui, entre 1939 et 1959, fut quelque chose comme une communauté libertaire, végétarienne et écologiste.Les adeptes initiaux, qui accusent leur âge, songent avec une grande nostalgie à ce que fut cette commune libre, similaire, sans doute à ce que furent les utopies régressives où des hommes cherchent à retrouver un état de nature que ce fumiste de Jean-Jacques Rousseau a prétendu avoir découvert dans les méandres fumeux de son cerveau genevois. Il paraît que tout allait bien dans le territoire du Pinnacle et qu'étaient récoltés avec abondance ignames, haricots, courges, mangues et autres végétaux ; ça tombe bien, au demeurant, puisque les rastafariens ont donc le malheur d'être végétariens.
La réalisatrice insère, avec un certain talent, des tas d'images documentaires, des films d'archives au milieu de sa quête des témoignages des survivants de l'aventure d'Howell. Reconnaissons lui le mérite de présenter de nombreux documents peu montrés, notamment des premières émancipations noires aux États-Unis. Mais nous pourrions lui demander comment l'adulation des séides d'Haïlé Sélassié, l'esclavagiste, a pu survivre à la déposition, en 1974, du souverain d'Éthiopie par un quarteron d'officiers marxistes dirigé par le colonel Mengistu. Lui-même, au demeurant, écarté du pouvoir en 1991 et accusé par ses anciens camarades de génocide (on lui impute entre 1 et 2 millions de morts).Comme toute plongée au cœur d'une secte pittoresque, on est assez fasciné par la teneur des propos tenus par ses thuriféraires. Mais ce qui est impressionnant, c'est qu'Hélène Lee semble prendre ce fatras au sérieux. Et que le film puisse exister.
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