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Ô temps, ô mœurs !


De Impétueux, le 25 février 2019 à 15:17
Note du film : 1/6

Pourquoi me vient-il à l'idée d'évoquer ce film bien ancien (1961), complétement oublié, du non moins ancien et non moins oublié Max Pécas ? Sûrement parce que, venant du fond des âges, j'ai, il y a peu entendu Daniela, vociférée par la voix d'Eddie Mitchell, qui ne s'était pas encore détaché du groupe dont il était la vedette, Les chaussettes noires. Cette chanson, écrite par Georges Garvarentz, habituel complice de Charles Aznavour, a d'ailleurs été le plus grand succès du groupe (800.000 exemplaires du 45 tours vendus).

Et cette chanson figurait dans un film d'espionnage assez insignifiant, une coproduction hétéroclite franco-allemande avec Elke Sommer, Ivan Desny, René Dary, Claire Maurier. Des acteurs de deuxième ou troisième rang pour un film diffusé seulement dans un circuit de salles de second rayon. Je dois dire que je ne me souviens absolument pas de l'intrigue ; je ne me rappelle même pas, à vrai dire, si les Chaussettes noires apparaissent effectivement à l'écran.

"Où voulez-vous en venir ?" va-t-on suspicieusement me demander (tout au moins si on me lit, ce qui n'a rien d'évident, ni de raisonnable). À ceci, précisément : si je n'ai aucun souvenir de la trame du film, j'ai encore en tête -ce qui est honteux et ridicule, j'en conviens bien volontiers – une scène particulière : dans un cabaret chic, quatre ou cinq agréables gourgandines dotées d'un long fume-cigarette, parées d'un ensorcelant corset de dentelle et de grisants bas résille se déshabillaient en cadence et, au dernier accord de la musique d'ambiance, ôtaient leur soutien-gorge.

Doux Jésus ! Voilà nos joues qui brûlent et notre respiration qui se fait plus haletante. Car nous sommes en 1961 ou 1962, époque où la vision subreptice d'un téton dénudé suffisait à allumer en nous des lueurs vermeilles. À ce moment là, j'avais 14 ou 15 ans. Mais il faut expliquer un peu cela aux jeunes générations.

Voilà une sulfureuse nostalgie et j'ai bien l'impression, quasiment la certitude qu'à la date de sortie de De quoi tu te mêles Daniela ?, l'interdiction – unique – était aux mineurs de 16 ans ; quelque temps après, deux ou trois ans peut-être, a été instituée une double interdiction, 13 et 18 ans ; ce serait amusant de vérifier, mais je ne sais où ; je doute que le site du CNC comporte des renseignements de cet ordre qui n'ont, d'ailleurs qu'une importance relative.

Oh gêne furtive qui nous saisissait lorsque nous entrions dans une salle où passait un film interdit sans en avoir tout à fait le droit ! Dès qu'un nouveau spectateur arrivait dans la salle, j'étais mort de trouille et persuadé que c'était la police qui faisait irruption pour venir m'arrêter, que j'allais être traîné au commissariat, remis avec mépris à mes parents, qui pleureraient toutes les larmes de leur corps en voyant que leur rejeton était d'une perversité aussi inimaginable, etc., etc. D'ailleurs, même après avoir passé le seuil fatidique, je n'étais guère à l'aise, craignant qu'on me demande de prouver que j'avais dépassé ledit seuil, et appréhendant les regards méprisants, la commisération qui ne pouvait que s'attacher à mes misérables dérives. Ah ! Délices de la culpabilité juvénile !.

Car – faut-il qu'on vous l'écrive, jeunes gens ? – nous allions essentiellement voir ces films pour découvrir, au détour d'une scène, l'ombre furtive d'un sein dévoilé et – même dans nos rêves les plus fous ! – nous n'aurions pas osé imaginer qu'on pût contempler quelque jour un ventre dénudé ! Comme on le voit, les choses ont bien changé.

N'empêche que je ne voudrais pas revoir aujourd'hui le film de Max Pécas, craignant de jeter à l'eau une bribe de mes souvenirs…


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