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De Jubowski, le 11 janvier 2009 à 02:43

Catholicisme, Little Italy, importance de la communauté, culpabilité, traditions vs modernité, mise à l'épreuve de la reproduction des représentations, tels sont les thèmes présents dans Who's that knocking at my door?, et qui seront développés dans

Les scènes de la vie de cette bande de copains branleurs, aux velléités vaguement mafieuses sont remplies d'une tendresse certaine, d'une bonne dose d'attention autobiographique. Maître-admirateur de la vague du film noir, Scorsese adapte le style du genre (lumières à la John Alton, cadrages à la Weegee…) à un univers entre-deux-eaux, où le drame, derrière la potacherie, ne cesserait de menacer (voir la grande séquence musicale filmée au ralenti du simulacre de règlements de comptes). Le cinéma de Martin Scorsese basculera définitivement avec Mean Streets, à la conclusion éminemment plus dramatique.


Mais dans Who's that…, l'enjeu principal est ailleurs (on se rapproche de Taxi Driver…). Ici, ce qui est montré par le montage parallèle, c'est ce jeune cinéphile tiraillé entre ses valeurs communautaires et un amour remis en question dans ses fondements mêmes par une confrontation à l'incompréhensible. L'incompréhensible, dans l'imaginaire des cinéastes italiens qui entretiennent un rapport à l'Amérique, c'est le viol. De la Vierge à la P, le déplacement se fait par la souillure, et le respect de la femme dans le mariage catholique (ou autre) se matérialise par un voile inhérent à sa sexualité. Comme l'écrit Virginie Despentes dans le récent King Kong Théorie, "sortir du marché sexuel, puisqu'on a été abîmée, se soustraire de soi-même au désir. on ne tue pas les femmes à qui c'est arrivé, mais on attend d'elles qu'elles aient la décence de se signaler en tant que marchandise endommagée, polluée. Ps ou enlaidies, qu'elles sortent spontanément du vivier des épousables."

        

D'un Leone superficiel dans Il était une fois en Amérique, à Scorsese, avec beaucoup plus de pertinence, jusqu'au chef d'œuvre postmoderne que constitue le Bad Lieutenant d'Abel Ferrara, ce thème central revient à la manière d'une obsession. On pourrait peut-être creuser une métaphore par rapport à une situation géopolitique, mais pourtant, il semble bien que ce soit au premier degré que doit être pris ce principe récurrent. Peut-être parce qu'il remet en question, comme symbole d'une immigration à l'épreuve de nouvelles valeurs, les représentations de l'homme occidental dans ce que son narcissisme a de plus exacerbé. Le statut de la femme dans la société latine gavée au catholicisme mais soumise aux démons du pouvoir machiste est comme soudain interrogé à l'aune de son déplacement dans l'espace, déplacement tout autant culturel. Ici: mythologie du "drive-in", de l'anonymat et de la foule qui empêche la vengeance communautaire purificatrice. La culture de l'Autre engage une dépossession de soi. L'acceptation du sol américain pour les immigrés d'origine italienne passe par la prise de conscience qu'il n'est en rien une terre vierge, et qu'il y a une existence précédente, que cette terre, alors, ne peut en aucun cas être considérée comme une propriété, mais plutôt comme un terrain partagé. Ce partage s'apprend. Et c'est Harvey Keitel qui évoque cette évolution abrupte, déstructurante, des mentalités, passant du déni juvénile chez Scorsese à l'acceptation douloureuse et au pardon mature chez Ferrara. Le très fin Harvey Keitel, qui, dans un rôle à la fois fragile et agaçant, évoque le De Niro de Raging Bull dans sa conception de l'amour pur, qui ne comprend le monde que selon les catégories d'une religion remplie de préjugés. Scorsese et la culpabilité. Tout comme son collègue Abel Ferrara, le réalisateur italo-américain interroge la façon dont la culture catholique traditionnelle transposée de l'autre côté de l'Atlantique peut résister à la liberté soudaine des mégapoles américaines.


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