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Voici les derniers messages de ce forum :

Surprenant, excellent !


De Arca1943, le 8 janvier 2014 à 12:49
Note du film : 5/6

«il n'était pas un militant bien discipliné (…) et ces Bas fonds, où il me semble qu'il prend déjà de la distance avec la doxa marxiste.»

Le simple fait que Renoir ait engagé l'exilé Zamiatine dans son pool de scénaristes en est une indication forte: du point de vue des communistes, un personnage sulfureux ! Je souhaite vraiment qu'avant sa mort – survenue en 1937, alors que les "procès" qui s'ouvraient à Moscou confirmaient les pires intuitions de son cauchemar futuriste Nous autres (1920) – Zamiatine a eu la chance de croiser à Paris cet autre exilé politique, l'historien Gaetano Salvemini, figure de proue de la gauche anticommuniste, et se sera du coup senti un peu moins seul…


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De Impétueux, le 8 janvier 2014 à 12:21
Note du film : 3/6

Revu une nouvelle fois, le film m'a plutôt déçu, même si ma note de simple moyenne est sans doute un peu sous-évaluée. Mais je crois que Tamatoa a parfaitement vu le caractère assez artificiel des Bas fonds, davantage faits pour présenter à l'écran deux monstres sacrés que pour tenir un discours de révolte. Et il y a un côté parfaitement artificiel dans le confinement des personnages dans la pension minable où la caméra paraît emprisonnée ; ce à quoi on pourra tout à fait me dire que c’est exactement l’effet recherché par le réalisateur.

Si Jean Renoir a été un moment très sympathisant du Parti communiste (sous l'influence majuscule de sa compagne d'alors, Marguerite Houllé, d'ailleurs monteuse sur ce film), il n'était pas un militant bien discipliné. Il avait, sans doute, une sensibilité de gauche, dont l'exemple le plus éclatant est Le crime de Monsieur Lange ; en 36 aussi, il a tourné pour le Parti La vie est à nous, délicieux de manichéisme et ces Bas fonds, où il me semble qu'il prend déjà de la distance avec la doxa marxiste. En 37, La grande illusion, sous un apparat pacifiste offrira un discours à mon sens bien plus complexe et, en 38, La Marseillaise sera encore davantage ambigu. Et il ne sera pas étonnant qu'après l'échec de La règle du jeu, il quitte la France en 40 en admirant la vigueur des soldats allemands puis obtienne la citoyenneté des États-Unis.

Sans doute Les bas fonds étaient-ils tournés avec de nombreux autres habituels compagnons de route du PC (Jean Wiener, Roger Désormière à la musique, Jacques Companéez, Jacques Becker, Maurice Baquet), mais ce n'était évidemment pas dans une ligne politique que Jean Renoir l'a tourné.

Le film – j'y reviens – ne tient que par la confrontation de Jean Gabin et de Louis Jouvet ; c'est un véritable délice au début, lors de la présentation des deux protagonistes et ça baisse considérablement de ton et d'intérêt lorsque la caméra, au demeurant trop théâtrale, vient s'encalminer dans l'asile de nuit de Kostillef (Vladimir Sokoloff) où tous les acteurs sont les caricatures d'eux-mêmes !

J'ai assez écrit combien j'apprécie le jeu de Robert Le Vigan pour dire que je le trouve ici grotesque et pitoyable, son jeu halluciné passant les bornes du ridicule (alors que son personnage de Tonkin, autre fou alcoolique, dans Goupi mains rouges tenait remarquablement le choc). Le brave René Genin n'avait sûrement pas les épaules assez larges pour donner un peu d'humanité à la géhenne de l'asile. Maurice Baquet était, je l'espère pour les mélomanes, bien meilleur violoncelliste qu'acteur ; il est, dans Les bas fonds, au dessous de la ligne de flottaison mais demeure moins insupportable que l'immonde Gabriello dont la présence suffit généralement à couler tout film qui l'emploie.

Les vedettes féminines, Suzy Prim, Jany Holt, Junie Astor sont d'une parfaite insignifiance, cantonnées dans des rôles sans nuance, de mégère avide pour l'une, de prostituée lassée de la vie pour l'autre, de gourde ingénue pour la troisième.

Le dialogue de Charles Spaak est étincelant lorsqu’il présente le baron décavé (les scènes avec son déférent valet de chambre Félix (Léon Larive) sont irrésistibles) mais s’englue ensuite dans le pathos humanitaire (Comment pourrions-nous avoir pitié des morts, nous n’avons même pas pitié des vivants, pitié de nous-mêmes ?).

Un film vraiment de deuxième rideau dans la carrière de Jean Renoir.


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