Tiré d'une pièce de Lillian Hellman, adaptée par son compagnon Dashiell Hammett (excusez du peu), Watch on the Rhine devait avoir une tout autre résonnance en 1943, quand il s'agissait de convaincre le bon peuple américain du bien-fondé de la lutte anti-nazie. 60 ans plus tard, c'est une autre histoire, et le film n'est plus qu'un pensum didactique, bavard et figé, peuplé de personnages emblématiques sans âme. Paul Lukas, qui avait créé le rôle au théâtre, est un drôle de choix, pour camper ce résistant héroïque, frère jumeau de Paul Henreid dans Casablanca. L'acteur n'avait que 52 ans, mais en paraissait pratiquement vingt de plus, son jeu emphatique et démodé, ses trémolos, rendent le personnage un peu ridicule.

Dans un rôle effacé, Bette Davis à contremploi, incarne la femme soumise et courageuse du héros. Constamment au bord des larmes, l'oeil mouillé, le sourire hésitant, elle finit par symboliser à elle toute seule l'Amérique, qui devra sacrifier ses fils, pour sauver le monde libre. C'est un des rares films où Bette Davis n'arrive pas du tout à transcender le matériau. N'importe qui aurait pu tenir ce rôle. Seuls Lucile Watson et George Coulouris apportent un peu de vie et d'humour, dans les rôles de la mère égotique et indélicate, et du traître sans Dieu ni maître.

Hors de son contexte historique, de son utilité militante, Watch on the Rhine n'est plus qu'un morceau de théâtre filmé, interminable et bourré de lieux communs. Et quand Lukas doit abattre un homme de sang-froid et qu'on imagine que le film va enfin décoller, il faut ensuite que le bougre se justifie pendant un quart-d'heure ! Sans espoir…