Peut-on regarder le bon film de René Richon sans savoir tout cela ? Sans doute, mais on est bien plus éclairé en le sachant. On se félicitera aussi que le réalisateur – dont les sympathies penchent tout de même clairement du côté des insurgés – ait limité le plus possible les pathos révolutionnaires, présentant, simplement, une petite rue montmartroise au moment où l'Histoire va souffler dessus et terriblement la détruire.
Dans cette rue qui n'est pas nommée, il y a un échantillonnage très bariolé de ces Montmartrois qui ne sont Parisiens, au fait, que depuis dix ans, avec l'extension de 12 à 20 arrondissements de la Capitale. Ouvriers, blanchisseuses, petites commerçantes (Mme Lapoule/Paulette Dubost, Mme Bouroche/Ginette Leclerc), grouillots, gamins, artisans, mais aussi un imprimeur-journaliste exalté Achille Barobeau (Philippe Hottier), une prostituée, Flora (Éliane Boeri), qui garde la maison de passe dont tous les pensionnaires se sont enfuies, une bistrote, Mme Hortense (Béatrice Moulin), une pauvre femme, Henriette (Monique Chaumette), dont le mari et le gendre ont été tués pendant la guerre. Mais aussi un peintre impressionniste, Edgar (Alain Salomon) et un petit rentier, Bérat (Henri Crémieux) qui est plutôt partisan de l'ordre établi, bien qu'il se dispute là-dessus avec son ami Martégay (Edmond Ardisson).Ce n'est pas si facile de mettre en place tout ce caravansérail de braves gens, sans les caricaturer, les ridiculiser, les mépriser. Tout le monde a ses raisons comme dit notre vieil ami Jean Renoir et on comprend bien que selon les orientations, selon les connaissances, selon les ressources, selon les caractères tout le monde ne soit pas impliqué de même façon à la grande affaire qui va être décidée : la construction d'une barricade censée bloquer les Versaillais qui sont entrés dans Paris et progressent à toute vitesse, appuyés, d'ailleurs par la majeure partie de la population qui en a marre des billevesées et coquecigrues anarchisantes des Communards.
On se demande pourquoi le réalisateur n'a pu monter d'autres films tant il compose habilement son patchwork d'histoires sentimentales, de petites histoires de quartier, d'exaltations révolutionnaires, de trognes sympathiques et bienvenues (Raymond Bussières, toujours parfait, Claude Brosset jouant le fruste comme on l'aime). Il n'y a qu'une fausse note, tout à fait superflue à mon goût : au moment où, la barricade constituée, les insurgés attendent l'assaut, une chanson idiote, de type comédie musicale intervient. En revanche, il y a une bien belle séquence, émouvante et bienvenue, même si elle est totalement fausse : au milieu des Montmartrois s'est trouvé Eugène Pottier (Philippe Noiret) ; celui-ci n'écrira son immortelle Internationale qu'au mois de juin suivant, alors que, après la chute de la Commune, il se terrait on ne sait où. Au prix d'un petit accroc avec la véracité, Richon le montre récitant, devant les futures victimes, son poème (qui ne sera mis en musique que que plus tard, en 1888 par Pierre Degeyter). Très belle séquence avec la voix magnifique de Noiret.Film maladroit, sans doute, très engagé, mais intelligemment ouvert.
Je vous rejoins dans votre longue quête mais je pense que La barricade du point du jour fait partie de ces nombreux films français des années 60-70 jamais sortis en vhs ni en dvd et impossibles à voir, même via internet.
Je citerais aussi Paulina 1880, L'oeuf, Le malin plaisir, Le Boucher, la star et l'orpheline, La Maison, L'Homme de Marrakech, Le Gigolo, 12+1, La chasse royale, La longue marche, Aussi loin que l'amour ou encore On est toujours trop bon avec les femmes pour ne prendre que quelques titres présents sur notre site.
Des films qui ne sont jamais montrés, qui seront peut-être perdus un jour comme une grande partie du cinéma muet, alors qu'ils réunissent des noms prestigieux et ne sont sans doute pas des nanars.
Et à partir du moment où l'on restaure et réédite Deux grandes filles dans un pyjama, on peut exhumer une très grande partie du cinéma français (traditionnel) de la même époque…
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