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Étrange mélodrame narquois


De Impétueux, le 6 août 2014 à 16:00
Note du film : 3/6

Gaby Morlay occupe une place un peu à part dans le paysage cinématographique français. Née en 1893, elle a commencé très jeune une carrière d'artiste, mais elle n'était pas loin de la quarantaine lorsque le cinéma est devenu parlant et ne pouvait plus, dès lors, jouer les ingénues ; son physique assez paisible et harmonieux ne pouvait pas davantage lui permettre de jouer les séductrices un peu mûres, comme y réussirent à merveille Françoise Rosay (née en 1891) ou, plus tard Edwige Feuillère (née en 1907) ou Viviane Romance (née en 1912). En revanche elle a été parfaite pour interpréter les femmes honnêtes tentées un court instant par le vertige de la faute (Un revenant, en 1946 – elle a 53 ans – avec Louis Jouvet, Papa, maman, ma femme et moi, en 1955 – elle a 62 ans – avec Michel Etcheverry).

Mais là où elle excelle, c'est dans le mélodrame édifiant, et son plus grand succès a été Le voile bleu, en 1942, (une veuve de guerre qui, après avoir perdu son enfant, se consacre à ceux des autres nous dit Wikipédia). Ce film, réalisé par Jean Stelli, spécialiste du récit édifiant et larmoyant, a été tourné avec Pierre Larquey. Gaby Morlay retrouve l'un et l'autre dans Mammy pour une histoire parfaitement invraisemblable, tout aussi larmoyante et édifiante, mais dont certains aspects cyniques et narquois peuvent permettre qu'on apprécie au second degré ce petit film de 1951.

La loi du mélodrame, la loi du genre, c'est d'accumuler les sujets de commisération et d'appeler toutes les Margots du monde à venir pleurnicher sur les malheurs des autres. Voici déjà des ingrédients : Mammy, l'héroïne (Gaby Morlay, donc), femme du médecin légiste Pierre (Larquey) est devenue aveugle, dix ans auparavant, peu après que Maurice (Michel Jourdan), le petit-fils du couple (tout le reste de la famille a disparu, peut-être pendant la guerre !!!), qui est un mauvais sujet, feignant, joueur, voleur s'est évaporé, après avoir été surpris par ses grands-parents en train de fracturer le secrétaire où sont conservées de fortes sommes. Mammy en a été si affectée que son brave homme de mari, profitant (si je puis dire) de la cécité de sa femme lui a fait accroire que le jeune homme, exilé au Canada, a acheté une conduite, a fait de brillantes études d'architecte, s'est marié avec une charmante jeune femme.

L'intrigue veut alors que le méchant Maurice, endetté jusqu'au cou, annonce effectivement son retour du Québec ; il n'a évidemment d'autre but qu'obtenir de l'argent, mais la maisonnée l'attend. Puis l'avion qu'il est censé avoir emprunté s'engloutit en mer. La mort du petit-fils prodigue ne sera-t-elle pas fatale à Mammy ?

J'arrête là ce résumé, qui ne fait que fixer le cadre du film au moment où il commence ; il y aura bien d'autres péripéties, toutes plus invraisemblables les unes que les autres. Et ça se terminera bien, comme de juste.

Cela étant, ce qui n'est pas mal c'est que, si tout s'arrange, Mammy ne retrouvera pas pour autant la vue (et d'ailleurs, elle semble bien supporter sa cécité, régentant son mari et la maisonnée de façon si impérieuse qu'on se demande si elle ne profite pas un peu de son infirmité) ; et le vilain Maurice sera abattu comme un chien par ses créanciers voyous, à la grande satisfaction de tout le monde, ses grands-parents compris. Cette entorse vénéneuse aux lois du genre est assez rare pour être remarquée et appréciée. Et je songe après coup à une autre séquence, celle qui montre, dans l'immeuble où un jeune couple (Françoise Arnoul et Philippe Lemaire) a tenté de se suicider, la veulerie, l'indifférence, l'égoïsme des voisins : pas mal du tout, ça aussi…)

On peut ne pas toujours supporter le jeu de Gaby Morlay, un peu sophistiqué et agrémenté, si je puis dire, de ces sortes de jappements de voix à quoi elle est familière ; on peut trouver Françoise Arnoul, dont c'est un des premiers rôles consistants, trop jeune et surtout bien moins séduisante qu'elle le sera quelques courtes années plus tard ; on peut juger que Philippe Lemaire avait un physique agréable, mais un talent exigu ; mais on ne peut qu'admirer le chatoyant Pierre Larquey, capable de tout jouer ; et de tout jouer à la perfection, ce qui est plus rare !


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