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Où l'enfer n'est pas loin


De Impétueux, le 29 septembre 2017 à 23:14
Note du film : 5/6

C'est un film formidable, attachant, généreux et triste, aussi, et désespérant même. Une étoile noire d'un réalisateur, Érick Zonca, qui tournait là son premier long métrage, qui connut un grand succès critique et une foule de récompenses (trois Césars, double prix d'interprétation féminine à Cannes), réalisa dix ans après un film inconnu Julia) et se prépare à sortir, en 2018, son troisième opus, Fleuve noir, après avoir tourné plusieurs spots de publicité et un téléfilm. Singulier parcours, d'autant que le scénario de La vie rêvée des anges est également de la plume de Zonca.

Tout simple, au demeurant, ce scénario : un de plus sur l'errance, les ruptures familiales, l'horreur économique, l'amitié féminine, les histoires d'amour qui finissent mal. La banalité de la vie, si l'on veut, pour beaucoup, de la vie qui n'offre ni répit, ni harmonie, ni tendresse ; simplement, de temps à autre, une violente bouffée de plaisir – tabac, alcool, musique, sexe – ; c'est glaçant.

Une fille, Isabelle (Élodie Bouchez), sac au dos, qui marche dans Lille, qui ne sait pas où aller, ne sait pas où elle pourra dormir, ce qu'elle pourra manger. On songe un instant à la Mona (Sandrine Bonnaire) de Sans toit ni loi d'Agnès Varda ; à part la marche et le sac, il n'y a pas grand chose de semblable : Mona est fermée, hérissée, presque autiste. Isa a une douceur, une gentillesse, une ouverture aux autres qui ne demandent qu'à éclater. Dans une usine d'esclaves modernes, où elle doit livrer chaque jour son contingent de pièces de vêtements cousues, surveillée par des contremaîtres eux-mêmes terrifiés par leur hiérarchie, elle rencontre Marie (Natacha Régnier) qui, elle aussi, a quitté sa famille, comme elle par dégoût de la vie qui s'annonce pesante et vide tout à la fois. Les deux filles vivent dans un appartement mesquin mais suffisant que Marie habite pour le garder, après un accident de voiture qui a envoyé à l'hôpital ses occupantes, mère et fille.

Et puis ? Et puis c'est tout. Ou presque. La vie quotidienne dans sa médiocrité pour des filles qui ne font que survivre. Qui rencontrent, au fil des jours, des videurs de boîtes de nuit, Charly (Patrick Mercado) et Fredo (Jo Prestia). Marie couche, un peu par désœuvrement, avec Charly. Isabelle découvre le journal intime de la jeune fille qui vivait dans l'appartement avec sa mère (désormais morte) et qui est désormais immobilisée dans un long coma à l'hôpital et, fascinée, va passer ses journées auprès de ce cadavre vivant, dont elle ne sait même pas qu'elle espère la résurrection.

Il y a aussi dans le paysage un beau mec, Chriss (Grégoire Colin), opulent patron d'un night club que gardiennent Charly et Fredo. Un beau mec, vraiment, qui se tape toute nana bien fichue qui a envie de connaître grosses voitures, vie facile, entrée dans les boîtes et tout le tremblement ; ce qui fait tout de même sûrement beaucoup, beaucoup de gibier potentiel. Marie résiste un peu, mais pourquoi le ferait-elle ?

Une des meilleures intuitions d'Érick Zonca est d'avoir fait des deux amies deux caractères très différents ; la routarde, Isabelle (Élodie Bouchez), qu'on imagine d'emblée révoltée et agressive est une fille généreuse, tendre, ouverte, finalement résignée à ce que va être sa vie future. Et Marie, à qui Natacha Régnier donne son visage d'une intense harmonie classique, est une rebelle, une révoltée, une égoïste, assez stupide pour ne pas voir que Chriss, après avoir un peu usé d'elle, s'en détachera aussi vite et aussi lâchement qu'évidemment. Quand elle en prend conscience, elle se jette par la fenêtre, ce qui est, du point de vue du scénario, une facilité qui ne me permet pas de donner au film une note supérieure, qu'il mérite par ailleurs. J'aurais préféré que l'eau ne fut pas noire, mais grise. Celle qui attend Isabelle, aux dernières images, dans l'enfer d'une usine à rendements.

Les deux actrices sont magnifiques, touchantes et bouleversantes ; les prix qu'elles ont recueillis n'ont pas été volés et on s'étonne même que ni l'une ni l'autre n'aient fait de plus éclatantes carrières. Les seconds rôles sont solides. Le film vaut vraiment la peine d'être admiré.


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