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Encore un morceau du casse-tête


De Arca1943, le 7 octobre 2012 à 21:35
Note du film : 6/6

Note : 5,5

Excellente adaptation de la nouvelle de Giorgio Bassani, elle-même tirée d'une histoire vraie, ce film trop peu connu illustre bien la maturité particulière d'un certain cinéma historique italien à l'aube des années 60: capable de traiter de sujets difficiles, voire austères, d'une façon qui parlât le langage du grand public. (D'ailleurs le film fut un grand succès en salle.) Subtilement, le traitement du scénario tire un tout petit peu le récit original de la haute littérature vers le photo-roman (aspect que j'imagine tenant plutôt d'Ennio De Concini que de Pasolini), ce qui déplaira peut-être à la critique intellectuelle mais enracine le film dans la meilleure veine du cinéma populaire transalpin.

Au cours de la même nuit de septembre 1943, Anna Barilari (Belinda Lee), femme plus libre d'esprit qu'elle ne le croit, qui administre avec célérité la pharmacie de son mari malade et désormais impotent (Enrico Maria Salerno), va découvrir coup sur coup que son mari et son amant (Gabriele Ferzetti) sont des lâches. Et cette lâcheté a directement rapport avec l'attitude des deux hommes vis-à-vis du fascisme et de son chef local, l'extrémiste Carlo Aretusi (Gino Cervi). En sorte que l'histoire sentimentale et l'histoire "grand H" sont superbement inséparables l'une de l'autre. La rencontre finale, quinze ans après la fin de la guerre, entre Cervi et Ferzetti – deux grands comédiens "à tout faire" du cinéma italien – cueille le spectateur au plexus.

Quel finale ! C'est une chose d'entendre parler de l'oubli, de l'amnésie historique dans des livres d'histoire, et une tout autre de les voir en action – en flagrant délit, pour ainsi dire – à l'écran. Ou comme disait Hannah Arendt: «Aucune philosophie, aucune analyse, aucun aphorisme, aussi profonds qu'ils soient, ne peuvent se comparer en intensité et en plénitude avec une histoire bien racontée.»

Réalisateur estimable "à deux veines" – une veine socio-historique (La Banda Casaroli, Bronte, L'Affaire Matteotti) et l'autre sentimentale (La Calda vita, Les Saisons de notre amour, La Partenaire) – le réalisateur Florestano Vancini, décédé récemment, n'a paraît-il jamais surpassé ce magnifique premier film. Ça se comprend, car pour un coup d'essai c'est vraiment un coup de maître.

Il faut dire aussi que le réalisateur est un enfant de Ferrare, où se passe cette histoire ; il connaît son terrain, quoi, ses repérages ne sont pas ceux d'un touriste ; et il est servi à la fois par une photographie à couper le souffle de Carlo Di Palma (les images de Ferrare dans le brouillard sont plus célèbres que le film lui-même) et des interprètes qui se donnent à fond.

Complètement sortie de ses rôles de vamp (ce qu'elle avait amorcé l'année précédente dans Profession: magliari), Belinda Lee (parfaitement postsynchronisée) se révèle un excellent casting: son physique de tennis woman athlétique est comme un signe avant-coureur de l'indépendance d'Anna Barilari, qui est en réalité le personnage moralement fort du film tandis que Salerno et Ferzetti sont des pusillanimes. Ces derniers sont tout deux excellents: Enrico Maria Salerno a gagné un prix d'interprétation pour sa composition ingrate du pharmacien qu'une maladie dégénérative cloue à son fauteuil et qui, planté à cœur de jour devant sa fenêtre, sera le témoin de choses qu'il ne veut pas voir: le massacre d'antifascistes, incluant le père de Ferzetti, avocat libéral.

Quant à Gabriele Ferzetti, on se dit dans la première heure, tandis que se développe l'histoire d'amour avec son amie d'enfance Anna Barilari: "Voyons, comparé à la fougue de Belinda Lee, Ferzetti ne semble-t-il pas un peu mou, un peu pâle ?", avant de se rendre compte que c'est le personnage qui est comme ça, pas l'acteur… chapeau, Ferzetti !

Et enfin que dire de Gino Cervi, d'une bonhomie à glacer le sang. Tellement plus crédible par exemple que le peu subtil et constamment paroxystique Attila campé par Sutherland dans 1900: les deux personnages représentent le même "courant" idéologique: le "fascisme agraire" extrémiste à la sauce Farinacci. En fait, la faction de Cervi va éliminer des fascistes disposés à se rendre après "l'armistice court" entre les Alliés et le général Badoglio (8 septembre 1943) et faire passer ces exécutions sur le dos de la Résistance. C'est un monstre, quoi. Mais alors que Bertolucci fait faire à Sutherland un numéro d'hystérique fini, grimaçant, et en fin de compte lassant, ici la vraie nature du personnage ne transparaît qu'en quelques occasions sous les manières tout en rondeur : et comme on est dans un cinéma qui va vers le spectateur plutôt que le contraire, eh bien ça implique un ou deux gros plans des yeux de Gino Cervi agrandis par le fanatisme, mais tout brefs, traité en mode fugace, par éclairs. En voyant aller Gino Cervi dans ce rôle, je ne peux m'empêcher de me dire – en jetant un œil à la vaste documentation derrière moi – qu'un fasciste "jusqu'auboutiste", dans la vraie vie, devait forcément ressembler un peu à ça. Brrr !

Un grand film, qui mérite à l'évidence une sortie sur DVD francophone – et plus tôt que tard, merci.


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De pacomoral27, le 21 février 2010 à 17:55
Note du film : 6/6

Salut Arca1943!!

J'aimerais aussi avoir une version en français de ce film, un DVD ce serait fantastique!!! Si tu y es vraiment intéréssé, et tu connais la langue, tu peux retrouver ce film en DVD en italien. Il y a quelques années aussi, on en a fait l'émission dans une chaîne TV espagnole, dont je possède l'enregistrement… Si ça te sert à quelque chose…

Salutations de Madrid!!


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Avis


De Arca1943, le 6 novembre 2008 à 12:24
Note du film : 6/6

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De Arca1943, le 23 septembre 2008 à 15:32
Note du film : 6/6

Mais oui, voilà ! Titre français : La Partenaire. Très grand succès en Inde (sic).


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