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Critique


De dumbledore, le 22 juin 2006 à 00:17
Note du film : 6/6

Dans l'œuvre de Ozu, Il était un père occupe une place particulière. Il s'agit d'abord d'une œuvre très autobiographique, plus sans doute qu'aucune autre dans la filmographie du maître.

L'histoire est d'une grande simplicité comme souvent chez Ozu. Shuhei est un professeur de mathématique, aussi respecté que compétent.

Il est aimé par ses élèves, reconnu par sa hiérarchie. Sa droiture est également présente dans son quotidien dédié, depuis qu'il est veuf, à l'éducation de son fils Ryohei. Seulement, lors d'une sortie scolaire, des enfants profitent de son inattention pour faire une virée en barques. L'une d'elles se retourne et un enfant meurt. Se sentant coupable de négligeance, Shuhei refuse de continuer son métier d'enseignant.

Il décide de partir avec son fils dans son village natal et d'y vivre, pauvrement, en travaillant à la mairie. Seulement, sa vie de sacrifice passera par son fils qu'il envoie étudier dans une bonne école, loin de lui. Cet éloignement est le meilleur choix possible pour le fils mais le déchirement de la séparation est cruel.

Pour le bien de Ryohei, le père et le fils ne se verront presque plus ou si peu.

La seule fois où père et fils pourront passer un long moment ensemble, ce sera pendant une semaine, une longue et parfaite semaine qui sera la dernière du père, mais qui sera – on peut en être sûr – une source vive pour la vie future du fils.

Ozu connut le même cruel et pourtant si constructeur parcours que Ryohei. Comme lui, son père l'envoya loin de lui pour qu'il devienne meilleur. Comme lui, il ne vit pas ou presque son père qu'il idéalisait, pendant presque 10 ans. Comme lui également, il assista à la mort de son père, terrassé par une attaque.

Que ce film soit proche d'Ozu, on peut en être certain, il est même un de ses préférés et occasion nous est donnée aujourd'hui de le découvrir. Aujourd'hui seulement car le film était resté inédit en France jusqu'à l'année passée.

Le fossé du temps semble être décidément constitutif de cette oeuvre.

On le retrouve dans les 10 ans de séparation entre ces pères et ces fils (ceux de la fiction et ceux de la réalité). On le retrouve dans les 63 ans nécessaires pour que ce film arrive jusqu'à nous. Il fut également présent dans les 5 longues années qui séparèrent l'écriture de cette histoire personnelle de sa réalisation.

C'est en effet au sortir d'Un fils unique (1937) qu'Ozu écrit le scénario avec ses deux scénaristes, (Takao Yanai etTadao Ikeda). Seulement, il doit partir faire son service militaire, et ensuite la guerre du Pacifique le rattrape. La société japonaise change, la censure également : interdiction de faire des films engagés, nécessité de vanter les valeurs patriotiques de sacrifices, de grandeur de la culture et de la morale nippone. Ozu s'y plie évidemment et le film s'en ressent un peu dans des passages de discours qui font un peu pièces rapportées.

Mais l'âme du film est sauvegardée. Authentique et si touchante. En 1942, Ozu réussit à boucler son film.

Le film est d'une grande pureté même si le personnage du père est idéalisé, presque irréaliste, tout comme la relation si parfaite qui relie le père et le fils. La mise en scène d'Ozu allié au jeu si en finesse de Chishu Ryu permettent de donner une distance très paradoxale au film.

On le sait, quelques années déjà avant la guerre, le cinéma d'Ozu change. Il se radicalise. Alors qu'il commence sa carrière sous influence du cinéma hollywoodien (mouvements de caméra, codes vestimentaires et de genre très occidentaux, etc), son évolution sera d'aller vers un retour aux codes et aux valeurs nippones. Le cinéma d'Ozu est une mise en garde contre la perte des valeurs qui font l'identité nippone et en même temps réaffirme ces valeurs comme fondamentales. Sa mise en scène devient fixe, filmée souvent à hauteur de tatami.

Cette radicalité et cette mise en scène si uniques offrent en contre-partie une distance très rare entre le sujet traité et la manière dont il est montré. Ce film en est un parfait exemple, même si les codes et la radicalité du cinéma d'Ozu ne sont pas encore totalement établis. Les scènes touchantes de séparation ou de retrouvailles sont nombreuses, mais : tout est ici retenue. Les personnages d'abord qui n'avouent jamais ce qu'ils ressentent mais en témoignent par des petits riens. La mise en scène ensuite très distante. L'émotion est toujours là, mais les personnages la gardent pour eux par respect les uns pour les autres. Et la caméra est exactement où il faut pour rendre compte de ce respect: à la bonne distance de l'action.

Il est rare de voir un cinéaste réussir à trouver une mise en scène aussi en équation avec son thème et son sujet traité. Ozu est l'un d'eux. Il est même le réalisateur auquel on pense aussitôt quand on doit associer un réalisateur au terme "respect".


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Magnifique !


De vincentp, le 6 janvier 2006 à 20:39
Note du film : 5/6

Un film situé au milieu de la carrière de Ozu, qui aborde sous un certain angle (les relations père-fils, basées sur le respect de l'autre) les thèmes globaux abordés au cours des dix dernières années de sa vie (et carrière) : les valeurs familiales, le sens du sacrifice, la primauté de l'honneur sur l'argent, la place de l'individu dans la société…. Et toujours l'extraordinaire Chishu Ryu. Réédition indispensable.


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