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Une étonnante liberté


De Impétueux, le 28 février 2017 à 22:11
Note du film : 3/6

Pour un peu moins de 2 euros, le film était proposé en solde ; je n'avais pas détesté La graine et le mulet, et l'idée de voir Marivaux en banlieue me semblait être une idée singulière mais admissible. Après tout, pourquoi pas ? Mon âge me donne tout le temps de regarder n'importe quoi, y compris les choses les plus incongrues.

Passé l'agacement de ne pas comprendre une phrase sur deux, phrase hachée, mâchée, grognée, hurlée, aboyée par des gamins qui n'ont avec ma propre manière de s'exprimer qu'une parenté lointaine, je me suis pris au jeu. Je n'ai pas détesté, je n'ai pas méprisé, j'ai même compati avec ces pauvres gamins à qui notre décadence n'offre aucune échappatoire que le football ou le gangsta-rap (sélection autrement plus rigoureuse, au demeurant, que celle des concours des meilleures grandes écoles).

Pauvres petits enfants perdus de nos banlieues, si lointaines et si proches, à qui des professeurs fou furieux et magnifiques essayent d'inculquer un peu de ce bagage qui n'a cessé de s'éparpiller depuis cinquante ou soixante ans sur les routes de l'exploitation mondialiste et de la destruction des identités… Elle est parfaite, cette prof' de Lettres qui croit encore à une sorte de mission sacrée et qui, alors que la barbarie est à la porte essaye de replonger ses chers et pauvres sauvageons dans le raffinement de siècles qui leur sont étrangers… Sauvageons touchants, émouvants, pathétiques même lorsqu'ils ne s'expriment que dans la rage de leur pauvre vocabulaire, même lorsqu'ils ne parlent que de niquer la race de l'autre et que se battre les couilles (même et surtout pour les filles) leur semble être l'ultima ratio de la désinvolture.

Je ne sais pas trop ce qu'il faut faire, là-bas, de l'autre côté du Périphérique : envoyer les gosses se mesurer à Marivaux, dans le raffinement superbe de la fin d'un monde civilisé ou se mettre au niveau de leur sous-culture, leur enseigner les textes de Nique ta mère et de Grand corps malade… Je ne sais pas. Je trouve beau qu'on essaye de leur faire toucher du doigt l'élégance, la sophistication, la perversité subtile, la finesse des grands textes décadents. Beau et désespérant.

Dans une des scènes les plus fortes du film, le professeur (Carole Franck) aborde vraiment le sujet : la détermination sociale : dans la pièce (et toujours chez Marivaux), les valets ont beau se déguiser en maîtres et les maîtres en valets, ce jeu artificiel d'échange et de surprise ne va pas bien loin : à la fin de la pièce, chacun retrouve son milieu, son territoire, sa race. Dommage que Kechiche, peut-être effaré par la désolation de ce qu'il va dire, s'arrête au bord du précipice, recule à l'idée de désespérer les Francs-Moisins… Et là, c'est lui qui esquiveJe songe que Belvaux dans Pas son genre a eu davantage de courage (de rage ?) en montrant la résignation de Jennifer la coiffeuse (Émilie Dequenne) qui n'a pas pu malgré tous ses efforts et son enthousiasme amoureux, marcher au même pas que son Clément le professeur de philosophie (Loïc Corbery) : il y a des choses qui ne se rattrapent pas…

Qu'est-ce qui va se passer après que les gamins auront joué devant les familles assemblées les entrelacs compliqués de l'écriture classique ? Peut-être Lydia (Sara Forestier) qui semble avoir en elle la rage et la volonté d'aller plus loin, pourra traverser le périph'… Mais les autres resteront confinés dans leur relégation, entre trafics, petits et grands, chômage endémique, puis confinement à la maison, pour les filles, avec trop de mômes à torcher et petits boulots de rien du tout pour les garçons, avec trop de crédits à rembourser…

Et là, Marivaux !…


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De vincentp, le 11 août 2008 à 21:19
Note du film : 4/6

Deux points de vue très différents sur ce film.

OliverF (un ami cinéphile) 5/6 : très bon film, original. Capte toutes les facettes de la vie dans une cité. Réflexion intelligente sur les classes sociales, sur l'enseignement… De plus, les émotions des personnages sont bien filmées et sonnent authentiques. Les dialogues sont plus vrais que natures. Une réussite en son genre.

Mon avis 2/6 : un film barbant et décevant, vu en accéléré. Les disputes entre adolescents -et leurs dialogues dans le patois de la cité- n'offrent guère d'intérêt. Ne prend guère de la hauteur par rapport au sujet (sauf par moments, notamment lorsque la prof présente la pièce de Marivaux). Le scénario est faible. Laisser des jeunes acteurs en roue libre a ses limites. Dans le genre (étude clinique de la pauvreté, des classes sociales), d'autres auteurs tel que Pasolini ont fait beaucoup mieux.


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Superbe !


De RdT, le 3 février 2007 à 15:54
Note du film : 6/6

L'esquive est en effet superbe. L'idée d'avoir fait coexister l'univers de la banlieue et Marivaux est parfaitement géniale. Les sentiments exprimés dans les pièces de Marivaux sont en effet tout simplement humains, et ils sont de tous les milieux de toutes les origines. La génie du réalisateur est d'avoir sur exploiter cette rencontre avec une grande habileté et énormément de sensiblité : les gros plans sur les visages sont admirables d'émotion. La jeune Sara Forestier dont c'était le premier rôle au cinéma avait obtenu un César mérité pour sa prestation.

Un film visionné, une dizaine de jours après avoir vu Le spectacle de la Fausse suivante au théâtre Antoine Vitez à Ivry. On trouve en effet une certaine parenté, entre ce spectacle, et ce film, ainsi que le soulignait Aude Brédy dans un article de L'Humanité.

Je vous encourage donc, à voir Esquive et la Fausse suivante dans la mise en scène d'Elisabeth Chailloux


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De leo, le 16 mai 2005 à 22:17

le film est interessant , rare; il est dommage cependant que la prise de son soit la plupart du temps médiocre et que l'on ne comprend pas une grande partie du dialogue ,ce qui est embêtant pour un film qui repose sur ce langage parallèle tellement nouveau au cinéma pour la plupart dd des spectateurs .Il en demeure la perception d'un monde en recherche de communication et bien éloigné des clichés habituels sur les banlieues


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