L'histoire de ce film aurait pu être traitée à la façon d'un mélodrame avec toutes les connotations péjoratives de ce mot, c'est-à-dire en appuyant sur les effets faciles pour susciter l'apitoiement du spectateur. Or, il n'en est rien.

A côté d'un cinéma hollywoodien basé sur l'action et le spectaculaire, se trouve un cinéma (plus ou moins) indépendant qui réflechit et cherche d'autres formes de rythme et de narration.

À l'ombre de la haine (quelle affreuse traduction!) est l'un d'eux. Durant tout le film, il doit y avoir au grand maximum cinq scènes fortes, scènes de confrontation de personnages ou scènes d'action. Le reste du temps, le film joue sur la lenteur. A ce niveau là le film est une réussite.

L'errance des deux personnages transformés suite au décès de leurs enfants est une réussite. On sent bien la vie qui est plus forte que tout, qui continue de pousser, de les pousser à vivre et à se rapprocher. Billy Bob Thornton réussit une nouvelle fois une composition puissante, mêlant à la fois machisme et naïveté. C'est un peu toujours la même chose chez lui, mais pourquoi bouder son plaisir. Halle Berry s'en sort plutôt pas mal, même si elle n'arrive pas à la hauteur de son partenaire masculin. Le vrai miracle dans l'histoire, c'est qu'elle ait décroché l'oscar de la meilleure comédienne!

Le souci du film réside ailleurs. Dans le scénario d'abord. Quelques incohérences parsèment le films (la scène où le père, après l'enterrement de son fils, retire lui-même la balle se trouvant dans le fauteuil. Incrédible que la police ne l'ait pas fait elle-même!), Plus gênant, des jalons sont posés, mais oubliés au court de route, notamment concernant le personnage de Billy Bob Thornton. Il est montré au début raciste, violent. Toute cette partie de sa personnalité disparaît pour ne plus jamais réapparaître. On a du mal à comprendre (et ressentir) son parcours d'humanisation.

L'autre point négatif du film est sa mise en scène. Si la lumière et les choix musicaux sont plutôt intéressants, la réalisation laisse à désirer. Elle ne fait pas assez confiance à son histoire et s'exprime de manière un peu poussive lors de plusieurs scènes (la scène d'amour notamment ou les montages parallèles). Hésitant entre réalisme et lyrisme, elle n'a pas trouvé sa propre légitimité.

On sourira pour finir au clin d'oeil final (l'avant-dernier plan) au cinéma de John Sayles et notamment Lone Star avec ce couple qui s'est constitué contre nature et qui va tout de même continuer à vivre ensemble…