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Sombre et beau


De vincentp, le 31 décembre 2006 à 19:53
Note du film : 5/6

Crépuscule à Tokyo est une belle oeuvre, mais particulièrement sombre, et qui détonne parmi la production dite de la "dernière période" de Ozu (1949-1962). Le film fut mal reçu à sa sortie. Il est vrai qu'il prend le public à rebrousse poil, faisant se succéder sans répit des scènes dramatiques de forte intensité, et décrivant sans complaisance les nombreux défauts des personnages du récit. Notons que le cadre de celui-ci est d'ailleurs inhabituel chez Ozu : la ville est baignée dans un climat hivernal, froid et humide et de nombreuses scènes sont nocturnes.

Toute la technique habituelle de Ozu est mise à contribution. Ses codes narratifs également : la jeune fille en attente de se marier vit chez son père, dans une pièce située au premier étage, à laquelle elle accède par des escaliers invisibles. On retrouve l'emploi d'images symboliques telle l'image finale de quatre arbres desséchés, dont l'un se divise en deux, représentant de toute évidence l'état de la famille du récit. On remarque également une utilisation habile de la bande sonore, en phase avec les sentiments des personnages (le bruit du caboteur résonne par exemple à l'unisson des battements de coeur de la jeune fille) ; mais la musique a aussi sans aucun doute pour ambition d'agir directement sur les perceptions mentales du spectateur (la musique rythme par exemple la progression de l'intrigue à l'intérieur du bar – * -).

Crépuscule à Tokyo constitue une sorte de négatif des autres films de Ozu : la famille est susceptible d'être désintégrée, et voici comment, semble-t-on nous dire. Il s'agit d'une variation brillante mais austère des thèmes habituels de l'auteur, qui délivre de Printemps tardif à Le goût du saké une vision de l'humanité plus optimiste.

• à l'intérieur duquel trône une affiche de grande taille représentant un Robert Mitchum désabusé.


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De dumbledore, le 7 juillet 2006 à 00:07
Note du film : 6/6

Ce Crépuscule a Tokyo est une des œuvres les plus sombres du maître japonais. Tourné en 1956, ce film raconte l'histoire de deux sœurs, l'aînée, Takako et la cadette Akiko. Élevées par leurs père, la première a quitté son mari et vit actuellement avec son enfant chez son père. La plus jeune, Akiko, est trop jeune pour être encore mariée, toutefois tombée amoureuse d'un jeune étudiant, elle a fait l'erreur de coucher avec lui. Elle se retrouve enceinte d'un jeune homme qui refuse d'assumer sa paternité.

Entre les doutes de Takako qui ne sait si elle doit retourner chez son mari, violent, alcoolique et qu'elle n'a jamais aimé, et la perdition d'Akiko qui n'arrive pas avouer, ni à sa sœur ni à son père, ce qui lui arrive, ce double échec se révèlera peu à peu, à mesure que le film avance comme en fin de compte comme celui d'un père. Même si ce père a fait pour le mieux, qu'il aime ses filles, qu'il est attentionné, ce père n'a pas réussi à rendre heureux ses deux filles.

Rarement Ozu n'aura réalisé de film aussi noir car il n'y a aucun espoir dans ce film. Ni dans la jeunesse rebelle et qui ose refuser la tradition (incarnée par Akiko), ni dans la tradition respectée (incarnée par Takako). Le seul choix possible offert à nos deux héros est le choix du moindre mal.

La résolution du film est particulièrement cruelle car, au vu du parcours de sa petite sœur, Takako accepte de revenir chez son mari violent et alcoolique. Elle sait que ce n'est pas une solution, mais c'est la seule qui lui est permise pour donner une chance au moins à son enfant. Car, et c'est là le thème fondamental du film : pour avoir une chance, même infime de se construire, il faut deux parents. Même s'ils sont malheureux, leur présence vaut mieux qu'un seul parent heureux.

Le scénario est une pure petite merveille d'écriture avec une trouvaille apparemment inutile car elle ne fait nullement progressé l'histoire, la ralentissant même… mais qui permet d'éclairer le récit d'une lumière nouvelle et de donner une force encore plus grande à l'histoire : le personnage de la mère.

Car dans ce trio formé par le père et ses deux filles, Ozu a l'intelligence scénaristique de faire revenir dans l'histoire, la mère qui a jadis dû abandonné mari et enfants (elle a eu une aventure avec un collègue de son mari). Cette présence est terriblement intéressante car elle stigmatise encore plus le gâchis. Alors qu'Akiko est en pleine perdition qu'elle a besoin d'une mère dans ce qu'elle aurait pu apporter de conseil, de chaleur, de soutien, eh bien cette mère retrouvée ne peut plus jouer ce rôle. C'est fini. Tragiquement fini : le futur ne pourra pas changer ce passé qui a fait du présent ce qu'il est aujourd'hui.

Noir, noir…

La mise en scène d'Ozu est également irréprochable, avec un rythme relativement étonnant de la part du réalisateur. On tourne sur beaucoup de décors et beaucoup de mouvements de personnages. Du coup, le récit est vif. Trop vif sans doute au goût du réalisateur qui ponctue son récit de plans de décors vides qui permet de donner du recul face au drame qui se déroule devant nous et qu'Ozu veut nous montrer comme on fait une démonstration : sans émotion, avec une logique irréprochable.

Démonstration réussie.


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