Il m'est arrivé, bien sûr, de voir de mauvais films italiens datant même de 1971-72, et pas seulement des spaghetti westerns tardifs. Mais allez quoi, ça reste l'exception qui confirme la règle ! Je veux et j'exige, j'exige et je veux voir ce film de Florestano Vancini resté pratiquement invisible pendant trois décennies pour des raisons apparemment liées à la political correctness de l'époque. C'est simple, il m'a suffi de lire le résumé sur la fiche pour subodorer de quoi il retournait. Le Risorgimento, l'expédition des Mille, c'est sacré. Les événements de Bronte font tache. Alors, on ne sait pas où c'est, un peu comme d'aucuns, dans Le Bouclier arverne, ne savent pas où c'est Alesia. Dans La Sicile comme métaphore, le Sicilien Leonardo Sciascia parle longuement des événements de Bronte, et des raisons pour lesquelles ils furent plus ou moins expurgés de l'historiographie dominante. Puis il coscénarisa ce film. Mais c'est curieux, moi qui suis justement du genre libéral-risorgimental, je brûle d'envie de voir les choses en face : les événements de Bronte, c'est ce qu'on appellerait aujourd'hui une bavure, une grosse bavure des Chemises rouges. Assumons-la ! Ça m'intéresse, je veux en savoir plus. Et puis, quoi, je n'ai vu le fameux Ivo Garrani pratiquement que dans Jo Gaillard…

Bien sûr, les chances sont minces que nous voyions Bronte un jour dans les bacs francophones… bien qu'il ait été présenté récemment au Cinemed (une sorte de festival qui a lieu en France, si j'ai bien compris). Florestano Vancini a traîné ce projet dans ses cartons pendant des années : il s'y met juste après son premier film, La Longue nuit de 43 (1960), qui remporte un considérable succès tant critique que public.

Mais le sujet de Bronte est particulièrement dérangeant et bien des producteurs ne veulent pas y toucher. J'ai lu un texte de Leonardo Sciascia qui date du mileu des années 60 où il prédit que son ami Vancini ne réussira pas à faire produire son film… dont Sciascia sera finalement scénariste ! (C'est le seul scénario original auquel ait participé le célèbre écrivain sicilien).

D'ailleurs à la sortie du film, des polémiques d'une rare virulence se déchaînent : de la droite, qui condamne ce film "anti-patriotique"; de la gauche – alors en pleine extrémisation – qui le condamne comme "réformiste". La sortie du film est même retardée, puis finit par avoir lieu dans des conditions indigentes. Au coeur du film, il y a la question des rapports difficiles – de l'incompréhension en fait – entre le Nord et le Sud; mais d'abord et avant tout, l'histoire d'une jacquerie punie par un massacre "que les livres d'histoire n'ont jamais raconté" (comme dit le titre original) et qui fait tache, pour dire le moins, avec la geste des Mille et de Garibaldi, pierre de touche de l'Unité italienne…

Heureusement, les temps changent. Aujourd'hui en Italie, où la crise du cinéma a entraîné une série de réévaluations du patrimoine cinématographique des années 60-70, Florestano Vancini jouit d'une enviable réputation. Bronte, de tous ses films celui qui lui est le plus cher, a été entièrement restauré en 2002. Pourquoi les Italiens seraient les seuls à en profiter ?

Depuis le temps que j'en entends parler, je vote pour le voir enfin !

Merci pour ton vote, Sandokan ! Évidemment, je répète que nos chances sont minces… C'est un peu comme pour Girolimoni, il mostro di Roma, qui date aussi de 1972. Des films jamais sortis en France peuvent-ils sortir trente ans après avoir été réalisés ? N'empêche, après avoir mis la main de façon tout à fait inespérée sur La calda vita, un autre Vancini qui date de dix ans plus tôt (et représente "l'autre veine" du réalisateur) je me dis : pourquoi pas ! Sait-on jamais ? Aussi il me fallait absolument exhumer Bronte – avec la complicité des autorités bienveillantes de DvdToile…