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4,5/6. Des personnages masculins et féminins trop ressemblant physiquement et mentalement, une intrigue pas facile à suivre : le style de Kar-Waï, émergent en 1991, n'est pas complètement au point. Mais les qualités artistiques des futurs long-métrages de Kar-Waï sont bien-là. On remarque des décors verdâtres, nocturnes, pluvieux, bâtissant un univers décalé, un brin onirique, inquiétant. On apprécie la variété et la qualité des plans représentant le contact physique entre les personnages, souvent une femme et un homme, se frôlant, s'enserrant ou se repoussant violemment.

Les relations humaines sont placées sous le sceau de la difficulté à communiquer, à exprimer ses sentiments, à s'accorder avec l'autre. Le personnage principal fait un pas vers les femmes avant de les repousser pour des raisons mystérieuses. Ses conquêtes pour des raisons tout aussi mystérieuses n'aboutissent pas dans des options divergentes (avec le policier, par exemple). Kar-Waï illustre via ce récit le caractère délicat des relations humaines, quand les individus n'ont pas les mêmes attentes au même moment. La qualité formelle de Nos années sauvages crée une oeuvre très intéressante.

Pour ce deuxième film, Wong Kar-wai se propose de dresser le portrait d'un homme en pleine dérive. Il s'agit de Yuddy, un jeune homme engagée dans une perdition qu'il ignore. Il passe d'une femme à une autre, les laissant tomber dès qu'elles commencent à s'accrocher. Il vivote comme il peu, obnubilé par une seule chose : retrouver sa vraie mère, et devant pour y arriver réussir à convaincre sa mère adoptive de lui donner son adresse.

La construction du personnage fait souvent la force des films de Wong Kar-wai. Cela est le cas dès ce second film. Yuddy est particulièrement bien défini, comme une bombe à retardement tant le drame de son enfance, l'abandon de sa mère, l'a miné et continue à le dévorer, de l'intérieur, comme un cancer. La souffrance est telle qu'il doit aller jusqu'au bout de cette histoire, de cette quête, pour pouvoir soit être sauvé, soit mourir totalement. La relation aux femmes est particulièrement réussi, très charnel mais en même très emprunt d'une violence comme incarnée de toute l'ambivalence que Yuddy peut avoir avec sa mère et les femmes qui la représentent toujours un peu trop. Le refus de s'engager est l'autre facette de la peur d'être de nouveau abandonné. La contrepartie affective à ce rapport amour/haine avec les femmes se trouvent dans la relation homosexuelle (ici refoulée) qu'il aura dans la seconde partie du film avec le personnage de Tide. Le tout donne un personnage très riche humainement et également très juste psychanalytiquement.

L'autre récurrence des films de Wong Kar-wai sont les ruptures narratives. Celle de ce film concerne le personnage de Su Lizhen qui est une des maîtresses que Yuddy rejette sans raisons claires. On la suit alors pendant un bon quart d'heure, oubliant ainsi le personnage de Yuddy. On suit son errance et son chagrin qui la font rencontrer Tide, policier frustré aussi (et qui souhaite devenir marin, chose impossible tant que sa mère sera malade). Cette histoire de rencontre et d'amour entre les deux est très belle, très sobre, sans quasiment de dialogues, juste un jeu de regards d'où naît le désir. Un passage magnifique…

On a également dans ce film tous les thèmes chers à Wong Kar-wai : les hasards de la vie (le fait que Tide et Yuddy se rencontrent) et les heures décisives, la recherche de l'identité et la jeunesse en perdition

La mise en scène est servie par une très belle lumière de Christopher Doyle, particulièrement à l'aise dans les scènes nocturnes. Elle est encore très classique dans l'utilisation de la caméra et dans les cadres. Ce sera seulement dans les films prochains qu'elle s'affranchira des codes du classicisme.