Genroku Choshingura (La Vengeance des quarante-sept rônin) est réalisé par Kenji Mizoguchi en 1941-42, sur la base d'une pièce de théâtre kabuki de Seika Mayama. L'histoire est un classique de la culture nippone, multi-adapté sur grand écran, au Japon et même aux Etats-Unis (avec Keanu Reeves en 2013). Le scénariste habituel de Mizoguchi, Yoshikata Yoda, et Kenichiro Hara adaptent à leur façon des faits authentiques datés de 1701 : un noble ("Daimyo") est condamné sévèrement au "Seppuku" (hara-kiri) par le "Shogun" (Seigneur suprême) de l'époque. Ses 47 "Ronin" (des samouraïs) décident de le venger. La réalisation de Genroku Choshingura est contrôlée par les autorités japonaises, en pleine seconde guerre mondiale, d'ou une exaltation de l'esprit de sacrifice et un éloge du courage des hommes en armes du XVIII° siècle. Des cartons introductifs et conclusifs marquent également l'effort national de guerre, comme c'est aussi le cas à Hollywood au même moment.

Mizoguchi réussit toutefois à intégrer l'essentiel de sa thématique habituelle : relations humaines, place des femmes dans la société, classes sociales. Aucun combat au sabre, aucune goutte de sang ne sont montrés, Genroku Choshingura se focalisant sur le "pourquoi" et le "comment" des conflits à l'intérieur d'une même culture nationale. L'oeuvre dure 222 minutes, et sur grand écran, même avec une entracte de vingt minutes, il faut s'accrocher un minimum (les emblématiques M. et Mme Michu passeront leur chemin). L'oeuvre est gérée avec rigueur et finesse (avec le souci de réalisme habituel chez Mizoguchi pour les décors et costumes). L'absence de véritable personnage central (une oeuvre "chorale" avant l'heure), la multiplicité des personnages et des points de vue exposés, rendent cette oeuvre moderne et attractive. La qualité de l'écriture cinématographique (plans, photographie, direction des acteurs) confère également à Genroku Choshingura un caractère agréable.

Inspiré d'événements historiques réels, ce film de samouraïs m'a carrément hypnotisé. Kenji Mizoguchi est vraiment un maître. Et aussi un historien cinématographique qui ne se laisse pas distraire par le bruit et la fureur : à noter que ce film tourné en 1942 – c'est-à-dire en pleine Seconde Guerre mondiale, sur fond d'ultranationalisme déchaîné – rend hommage aux vertus traditionnelles du guerrier japonais avec une sobriété et une discrétion exemplaires.

Arca1943