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Critique


De dumbledore, le 31 janvier 2005 à 07:00
Note du film : 6/6

Au tout début, il y eut un héritage qui permit à Andrew Jarecki de quitter son métier de bureau qui ne lui plaisait pas. Il pouvait enfin s'essayer au cinéma. La fiction étant trop chère, il pense commencer par le documentaire. Il décide de faire un film sur les clowns de New-York, qui vont d'anniversaires en anniversaires. Il fait des essais avec les plus connus de la ville et montre les images à son monteur. Celui-ci s'étonne de l'un deux, David Friedman. Il le trouve "en colère". Etonné de la chose pour un clown, Andrew Jarecki revoit le clown en colère, le fait parler et découvre le drame dans lequel vit David : sa famille a explosé quand son père et son frères ont été accusé de pédophilie. Durant le procès, peu à peu, toute la famille s'est décomposé, progressivement, inévitablement.

Andrew Jarecki trouve ce sujet familial plus passionnant que son sujet sur les clowns de New-York (qu'il réalisera toutefois après) et change de sujet. Il ignore que les trois mois qu'il souhaitait consacrer à ce film prendraient trois années de sa vie. Avec en plein milieu de l'aventure une surprise de taille : la famille Friedman est une famille dédiée à la vidéo. Ils se filment tout le temps. Même pendant la période préparatoire au procès du père et du fils accusé de pédophilie. Andrew Jarecki a du à la fois avoir son sang se glacer devant ses images et trembler quant au potentiel que pouvait maintenant prendre son film.

Grace à ce matériau inouï, le documentaire permet de "revenir", au sens propre du terme, sur cette histoire, mêlant ses visions officielles ou médiatiques, à l'intimité quotidienne de cette famille ! Seulement, la source d'images de cette famille ne constitue pas pour autant la plus grande force du film (même si en constitue la plus grande richesse). La force est dans son point de vue. Du début à la fin du film on ne sait pas "s'ils sont coupables" ou "s'ils sont innocents". Mieux : on passe sans cesse d'une conviction de culpabilité à une conviction d'innocence, pour finir le film sans finalement rien savoir. Cette fluctuation de conviction du spectateur constitue une ligne dramatique à tout le film, une charpente parfaitement efficace, qui retient magnifiquement l'attention du spectateur.

On sent dans le film que ce qui intéresse le plus le réalisateur n'est pas cette simple question de culpabilité, mais deux aspects de la justice qu'il condamne comme des défauts. Le premier est l'attitude des policiers (et derrière eux les "attorney") qui interrogent les enfants susceptibles d'être des victimes de viol.

Leur méthode d'interrogatoire consiste à déclarer ouvertement qu'"ils savent" que les enfants ont été abusés. Partant de là, ils poussent les enfants à dire ce qu'il en est. Du coup, se pose la question de l'influence de ces policiers dans les aveux des enfants : les enfants avouent-ils parce qu'il s'agit là de la réalité ou bien avouent-ils parce qu'il y a pression.

Le second point d'attaque du film concerne le fameux "plaider coupable", adopté en France récemment malgré des mises en garde des magistrats. Il y des cas de figures – comme ici – où plaider coupable même si on est ou se prétend innocent permet des réductions de peine. Du coup, cette justice ne semble plus chercher la vérité, mais au contraire relève finalement plus de la tractation contractuelle.

Capturing the Friedmans fait partie de ces grands, très grands documentaires qui n'ont rien à envier en matière d'émotions et d'intelligence aux meilleurs fictions.


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