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Alberto Sordi en Marquis


De Arca1943, le 16 juin 2017 à 18:09
Note du film : 4/6

1) « …démontrer comment, en corrompant les juges,on peut gagner un procès contre un ébéniste juif qu'on ne veut pas payer. »

Il faut rappeler que les lois en vigueur dans les territoires pontificaux (et ce jusqu'à leur salutaire suppression) interdisaient à un juif de témoigner contre un chrétien. Heureusement, l'Italie libérale abolit cette ignominie en 1860.

2) « …retour triomphal du pape Pie VII au Vatican… »

Bah, fut-il si triomphal qu'on veut bien le dire ? Triomphal, triomphal… C'est un retour, quoi.


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De Impétueux, le 15 juin 2017 à 18:26
Note du film : 4/6

Je sors du film avec plein d'idées contradictoires : d'abord il m'a semblé que Le marquis s'amuse présentait une des qualités que je juge les plus essentielles au cinéma : le rythme. C'est vif, enlevé, caracolant, quelquefois agréablement vertigineux comme l'excellente séquence du début où l'éveil du marquis Onufrio del Grillo (Alberto Sordi) et son périple/cavalcade dans son fastueux palais romain est un véritable bonheur et permet en quelques instants de faire la connaissance de la plupart des personnages secondaires. Et il y a beaucoup d'autres exemples de moments aussi excellemment troussés. Du rythme, donc… et en même temps j'ai trouvé le film trop long (2h20) et manquant de substance pour une si longue durée : comme toujours, ça commence très bien et ça patauge un peu dans le dernier tiers tout en se terminant sur une amusante accélération finale.

Autre idée qui ne me satisfait pas tout à fait : le marquis – personnage présent dans neuf plans sur dix, qui emplit donc tout l'espace, d'autant que ceux où il n'est pas sont ceux où figure son sosie, naturellement joué par Sordi, évidemment – le marquis, donc, paraît plus sympathique, plus attachant à la fin qu'au début. Pour qui a sucé le lait acide de la comédie à l'italienne avec Mes chers amis, du même Mario Monicelli, c'est un peu décontenançant, une des meilleures recettes de ce genre de cinéma étant de séduire avec une certaine perversité le spectateur en ne lui découvrant que graduellement les petites ou grandes saletés de personnages à qui il s'est trop attaché pour les rejeter (exemple typique du comte Lello Maschetti/Ugo Tognazzi, qui ne se révèle absolument immonde avec sa femme et sa fille que longtemps après qu'on a fait sa connaissance). Là, on se dit, au début, qu'Onufrio del Grillo est l'archétype du grand seigneur méchant homme et davantage : lancer aux miséreux venus crier famine sous son balcon des pièces chauffées au rouge dans le feu, ça n'est pas tellement drôle et assez abominable : on songe à une scène un peu identique dans Que la fête commence de Bertrand Tavernier. On craint que la satire ne soit qu'à un seul sens.

Mais vite les choses s'emballent heureusement, nourries de sarcasmes et de caricatures brillantes. On est dans la Rome papale de la fin de l'Empire ; la chronologie est un peu incertaine mais elle va, en gros, de février 1808 (occupation de la ville par les troupes françaises) à mai 1814 (retour triomphal du Pape Pie VII au Vatican). Le marquis Onufrio del Grillo est le chef d'une famille de la haute aristocratie romaine, garde noble du Pape, gentilhomme admis à porter la sedia gestatoria, sorte de palanquin, ou plutôt de trône mobile sur laquelle le Souverain Pontife était jadis et naguère (jusqu'au règne de Paul VI) présenté aux foules (c'est désormais la papamobile qui tient cette fonction). Le marquis est un libertin désinvolte et joueur, plutôt adepte des idées nouvelles véhiculées par la Révolution française, mais il est avant tout un jouisseur qui perçoit très bien son parasitisme et son inutilité et qui aime s'étourdir pour ne pas trop songer (Que veux-tu que je fasse d'autre que dormir et m'amuser ?).

Les farces, donc, pour combattre la vacuité de la vie. Aidé par son valet Riciotto (Giorgio Gobbi), confident et complice, sorte de Sganarelle et par son immense fortune, Onufrio del Grillo les multiplie : admirable supercherie de cette boutique murée et adornée d'un urinoir public que son commerçant propriétaire découvre en se demandant s'il n'est pas devenu fou, ou de ce glas sonné dans toutes les églises romaines et censé annoncer la mort du Pape, alors que les curés desservant ont reçu simplement une forte somme pour sonner simultanément leurs cloches de deuil. Et, in fine, bien sûr, la substitution du charbonnier Gasperino au marquis, dont il est le sosie, substitution qui sème, évidemment la perturbation dans la famille, afin de prouver comme le jette Onofrio à sa mère, la hautaine et bigote marquise douairière (Elena Daskowa Valenzano) que les hommes sont égaux… Ce qui n'empêche pas ce personnage complexe et étonnant de démontrer comment, en corrompant les juges,on peut gagner un procès contre un ébéniste juif qu'on ne veut pas payer, afin de voir si les motifs d'un roturier mort de faim valent plus que les abus d'un marquis riche et puissant comme moi. (Ce qui n'empêche pas Onufrio d'indemniser largement ensuite le condamné).

Il y a du sarcasme, de la subversion, de la dérision là-dedans. Il y a aussi un film qui joue avec la beauté de Rome, habilement photographiée comme si Monicelli avait pu capter ce mélange de pierres dorées, de ruines sévères et de crasse que devait être la Ville au début du 19ème siècle. Il est vrai que la crasse, en Italie, a toujours un charme éclatant.


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