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Grand film méconnu


De Arca1943, le 12 novembre 2006 à 18:19
Note du film : 5/6

Prix d'interprétation à Cannes tout à fait mérité pour la grande Isa Miranda, diva des années 30 qui se convertit ici à un style de jeu naturaliste, sans apprêts, aux antipodes de celui qui fit sa (première) gloire. Jean Gabin est égal à lui-même, c'est-à-dire très bon, dans un rôle où il devient vite difficile d'imaginer quelqu'un d'autre. Et l'interprète de la petite fille, Vera Talchi (qui sera trois ans plus tard l'adolescente amoureuse du beau Interlenghi dans Le Petit monde de Don Camillo) est très naturelle, ses revirements successifs vis-à-vis du personnage de Gabin (d'abord la sympathie pour l'étranger mystérieux, puis le rejet quand l'étranger en question tombe dans l'oeil de maman, puis retour à son sentiment initial) sont convaincants.

Oscar du meilleur film étranger mérité aussi ? Mais oui, certainement. Exemple d'une co-prod franco-italienne pleinement réussie, ce film bref, sans fioritures, est un très bon Clément et un rare exemple d'une incursion du cinéma français dans le néoréalisme… italien, avec un apport du film policier à la française en filigrane. Notons que plusieurs films de cette époque vont conjuguer les données du néoréalisme avec celles du film policier (Riz amer, Sans pitié…). Fort intelligemment, la vision de la ville portuaire en ruines nous est dévoilée progressivement, pour prendre toute son ampleur dans le très beau final, où la petite Vera Talchi couvre le quartier de graffitis pour prévenir Pierre (Gabin) que la police est sur ses traces. Les dialogues, confiés à des mains expertes – Cecchi d'Amico, Zavattini, Aurenche et Bost ! – sonnent juste et sans un mot de trop.

C'est aussi une histoire cruelle, parce que le personnage de Miranda, qui a eu la vie dure – et qui élève seule sa fille après s'être séparée de son mari – voit miroiter le bonheur de près avant qu'il ne s'évanouisse en fumée. Une histoire simple et forte, rendue vraisemblable par l'attention aux détails et la retenue de la mise en scène qui ne verse pas une seconde dans le mélodrame. Les scènes de rue sont particulièrement réussies, avec quelques plans en plongée du plus bel effet et un sens aigu de l'utilisation des décors naturels.

Mon principal bémol tient au personnage d'Andrea Checchi, mari frustré qui entend récupérer son bien – c'est à dire sa fille. Insuffisamment développé et nuancé, il a l'allure d'un méchant assez conventionnel, qui jure avec les autres personnages secondaires, plus travaillés.


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De Impétueux, le 27 juin 2006 à 19:02
Note du film : 5/6

J'ai regardé hier cet Au-delà des grilles ; c'est bien, très bien, même et je le recommande, d'autant que c'est une curieuse époque dans la carrière de Gabin : en 1949, ce n'est plus l'immense vedette d'avant-guerre (Le jour se lève – 1939 – date déjà de dix ans) et il va encore attendre plusieurs années avant de revenir au premier plan (Touchez pas au grisbi – 1954 -), vieilli, mûri, prêt pour tous les rôles.

Dans Au-delà des grilles on sait qu'il n'est pas, qu'il n'est plus le séducteur à qui aucune Mireille Balin, aucune Michèle Morgan, aucune Viviane Romance, aucune Simone Simon ne pouvait résister : son personnage, Pierre, en a pris un coup, lorsque sa maîtresse, en France, une fille de 22 ans, lui a dit Tu es trop vieux !. Il l'a tuée, dans un accès de rage. Il a fui. Passager clandestin, il débarque à Gênes. Dépouillé d'une forte somme d'argent, errant dans Gênes, il va rencontrer Marta (Isa Miranda) qui, avec sa fille, Cecchina, a, elle aussi, fui la France (Nice) pour échapper à un mari assez louche tenancier de bar.

Entre ces deux fuyards, l'attirance est immédiate, mais alors que Marta croit encore possible de trouver un autre Destin, Pierre sait bien qu'il est trop tard pour y croire ; alors que Marta se penche sur Pierre endormi et murmure Tu n'es pas vieux…et je n'ai plus vingt ans, il accepte de jouer le jeu, mais sans illusion aucune.

Et lorsqu'il est arrêté par la police italienne pour le meurtre commis en France, il lâche à Marta Tu vois…on n'y serait pas arrivé….

Ce sont là les derniers mots d'un film grave, qui se passe tout entier dans un Gênes encore blessé,dévasté par les bombardements, qui fait, ici et là, curieusement penser, avec ses éboulis, ses bâtiments ruinés, les décombres de ses maisons patriciennes, à la Vienne du Troisième homme.

René Clément filme tout ceci avec une grande sensibilité et une virtuosité remarquable ; le maniement des caméras ouvre des perspectives fortes au récit par sa mobilité et certaines symboliques (plongées sur carrefours, contre-plongée sur les ruelles où guettent les policiers) ; la solidarité envers le fugitif du petit peuple gênois est belle, dans l'esprit du temps et du néo-réalisme.

Je ne connaissais pas Isa Miranda qui est superbe en femme qui n'a jamais aimé et qui voit, en quelques brefs jours, s'ouvrir, puis se refermer les perspectives d'une passion et d'une renaissance ; à un an près, née en 1905, elle avait le même âge que Gabin, né en 1904 et elle incarne à merveille ce personnage de quadragénaire abîmée par la vie, mais pleine de courage et de dignité.

Quant à Gabin, littéralement entre ses deux âges, il a dans l'oeil cette fatigue de la vie qu'il transporte depuis bien longtemps déjà, sans doute depuis toujours, mais qui est désormais sans espoir.

Comme c'est agréable de découvrir un beau film !


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